Odette Bocher, photographe
Reflets photographiques
Entretien avec Tassanee Alleau, @jesuismyriades
Odette Bocher a proposé, pour ce numéro, sur l’eau une sélection de trois photographiques. “Difficile de faire des choix tant le sujet est vaste !”, nous dit-elle. Il est vrai que l’artiste a l’œil pour repérer les lieux où l’eau dialogue avec le regard. “Se sentir en communion avec l’élément est important dans mon cheminement photographique.”
Pour elle, “L’eau est une source inépuisable tant sur le plan émotionnel qu’imaginaire”.
Ainsi, son choix s’est porté sur “Trois regards sur l’eau qui partagent une harmonie colorée”.
© Photographie “Ondulations” d’Odette Bocher
Tassanee : Bonjour Odette, merci d'avoir accepté cette entrevue téléphonique. Quels éléments de la nature trouves-tu les plus inspirants dans ta pratique photographique, et pourquoi ?
Odette Bocher : Bonjour, avec plaisir. Ce qui m'inspire le plus ce sont l'eau et les arbres. Ce sont des éléments très inspirants car ils représentent quelque chose de très vivant, en perpétuel mouvement. Ce qui me motive le plus, c'est de poser mon regard sur des choses qu'on ne regarde plus, des détails souvent ignorés. Quand j'ai commencé à faire de la photographie, j'avais des problèmes de santé, et je me suis tournée vers la proximité directe, cherchant la beauté dans des choses vieilles ou abîmées. Je suis attirée par la poésie du quotidien, que je peux trouver partout, que ce soit dans des feuilles en train de flétrir ou dans des intérieurs. Je veux juste dire aux gens d'ouvrir les yeux autour d'eux.
Tassanee : En quoi ton approche naturaliste influence-t-elle ton processus créatif et ta manière de composer tes images ?
Odette Bocher : On peut appeler ça “naturaliste” en quelque sorte. Même si mon approche me pousse à mettre de l'humain dans mes photographies, bien que je photographie souvent des éléments végétaux. Je vois de plus en plus les écorces, les feuilles, les racines, les troncs comme des témoins du temps qui passe, une nature apaisante. Pour moi, une peau ridée est similaire à une vieille écorce, elles ont une valeur équivalente. J'aime jouer avec les couleurs ou le noir et blanc pour mettre en valeur les formes et les contrastes. Je cherche à montrer ce que l'on voit et aussi à aller au-delà, à inciter les gens à "regarder" vraiment.
Tassanee : Comment choisis-tu tes tirages et quels sont tes préférences en matière de papier ?
Odette Bocher : J'utilise du papier d'art, souvent du papier coton type aquarelle, qui valorise la photo et la transforme en une véritable œuvre. Dans le passé, j'ai travaillé dans l'encadrement, donc j'ai un rapport particulier au papier. Je fais tirer mes photos à Angers, où je peux choisir parmi plus de 18 couleurs différentes. En ce qui concerne les formats, j'en utilise trois à quatre différents, sachant que le grand format est souvent une question de coût. Mes tirages peuvent atteindre jusqu'à 50x75cm lors d'expositions.
Tassanee : Quelle est l'importance de la lumière naturelle dans tes photographies, et comment l’utilises-tu pour obtenir l'effet désiré ?
Odette Bocher : La lumière naturelle est fondamentale pour moi. Je peux retourner plusieurs fois au même endroit pour attendre la lumière parfaite. Par exemple, pour ma photographie "Mémoire céleste", je suis allée quatre soirs de suite car je voulais une lumière précise. Parfois, je ressens même une sorte de connexion spirituelle qui me permet de demander à l'énergie ambiante de m'apporter la lumière dont j'ai besoin. Peu importe le nom qu'on donne à cette énergie, pour moi c'est une façon de créer un lien avec l'endroit. Plus je progresse, plus je suis attentive à la composition, en respectant les règles de la photographie.
Tassanee : Peux-tu nous en dire plus sur ce que tu aimes dans le fait d’exposer ?
Odette Bocher : Bien sûr, j’ai exposé du 23 au 26 mai lors d'une exposition intitulée "Ombres/Lumières". J'aime les expositions comme un moment où j’invite tout le monde à venir découvrir mes œuvres et à échanger avec moi. J'aime beaucoup partager et discuter avec les visiteurs, c'est très enrichissant. Dans mes photos, j'essaie toujours de créer un double sens, une réflexion sur la vie qui s'écoule, sur le temps qui passe.
Je préfère photographier en hiver pour son côté graphique et minimaliste. Les paysages dénudés interrogent sur le temps qui passe, et j'aime capturer des motifs tels que les ruissellements ou les ondulations lors d'inondations. Je cherche aussi à inclure des éléments humains ou symboliques dans mes photographies.
Merci à Odette Bocher pour son travail.
N'hésitez pas à suivre son travail sur Instagram @odettebocher pour être au courant de ses prochaines expositions.
Nouveau Monde, par Mathieu Boullant
Le poème en vis-à-vis
Un poème, une inspiration de la nature, pour nous rappeler que le monde s’étend bien au-delà de la « goutte d’eau », des certitudes et des schémas de pensée dans lesquels nous nous enfermons trop souvent. La vie n'est pas hégémonie d'un matérialisme. Elle est un champ des possibles à explorer, une conscience, expression d’une sensibilité plurielle et assumée, qui en fait aussi sa beauté.
Ce poème a été écrit par Mathieu Boullant, photographe naturaliste passionné, membre des associations Camera Natura à Coutières, Art Photo Passion à Saumur, et membre naturaliste bénévole au sein de l’association Deux-Sèvres. Réseau social @nature_en_poesie
Nouveau monde
Trompeuses sont les apparences
Dans ton existence matérielle,
Homme croyant par ta science,
Que seul ton reflet est réel.
Ton monde tout rond semble bien ancré,
Vernissé de son plus bel azur.
Il n’est pourtant que goutte de rosée,
Matière suspendue dans l’air pur.
Et c’est souvent la tête à l’envers,
Qu’incrédule tu t’y réfugies,
Exilant du reste de l’univers,
Ce que la vie recèle de magie.
Le berceau de la vie par Roxane Rioboo
Le dessin
Ce dessin est une ode visuelle à l'eau. Symbolique de l'élément vital qui tisse la toile de notre existence sur Terre. L’eau incarne la source de toute vie, la magie de l’évolution qui nous a mené à être ce que nous sommes aujourd’hui. Rappelant, inévitablement, la manière dont la féminité porte et crée la vie, à sa manière. L’eau, à l’image de la mer, est à la fois douce et puissante, nourrissante et indispensable, tout comme la mère nourricière.
Ses courants et ses vagues, permettent aux plus petits des cours d’eau de rejoindre les océans reliant les continents chacun à l’autre. C’est un symbole puissant d'unité et d'inclusion entre les différents horizons dont l’humain a le devoir de s’inspirer. L’eau nous montre la voie qui en découle : ensemble, nous sommes le monde. De la même manière que l'eau, et ses multiples états possibles, ne connaît pas de frontières, notre société devrait puiser sa force dans la diversité et la solidarité. Chaque goutte d'eau se fond dans l'océan, tout comme chaque individu contribue à la richesse de notre communauté.
En évoquant l'importance de l'eau pour notre espèce et notre écosystème, cela nous rappelle, de fait, la fragilité de notre passage sur Terre mais aussi de notre environnement. Cela appelle à une conscience écologique, nous invitant à protéger et à chérir cette ressource précieuse et d’en faire autant avec nos pairs issus d’un long et beau processus d’évolution. Cet élément fort et indispensable, comme la vie, est un cadeau à préserver, un lien sacré qui nous unit tous, transcendant les distances et les différences.
Ainsi, l'eau devient le miroir de notre responsabilité collective envers la Terre et envers nous mêmes. Son reflet de sa puissance créatrice et de son infinie harmonie nous amène à réfléchir à notre devoir en tant que passager terrestre éphémère qu’il nous incombe de la cultiver et la protéger en nous unissant tous à travers les continents.
Dans l’objectif : rencontre avec la céramiste
Nathalie Schweitzer
Nathalie est céramiste et vit au bord de l’eau, dans un village des bords de Loire.
Elle crée des pièces sensibles inspirées du vivant mais aussi des Arts textiles, de la danse, et joue principalement avec les nuances de textures, d’opacité et de transparence. Un aspect de sa démarche consiste à interroger les qualités plastiques des argiles jusqu’à certaines limites de finesse mais aussi à provoquer des dialogues avec d’autres matières ou à hybrider des pratiques selon les projets et les collaborations.
Son travail, au langage minimal et poétique se nourrit de temps, de temps passé, de temps qui passe, de parenthèses, du temps qui vient. Objets d’art, sculptures et installations proposent un contre-pied à l'immédiateté, cherchent à favoriser l'introspection et à traduire nos liens d'humains autant que ceux qui nous unissent à la nature.
© Photographies: Nathalie Schweitzer, Instagram @nathalie.schweitzer
« Contre courant »
Installation composée de plaques de grès roux et de porcelaine tressée. (Grès, porcelaine, cellulose, émaux issus de recherches personnelles)
Dimensions variables
La Loire est une aire de jeux pour le regard. Un entrelacs minéral et aquatique en constante métamorphose. Elle fait partie de mon quotidien et j'ai tressé le lien qui me relie à elle, fil après fil.
"Contre courant" propose une représentation singulière du fleuve et tente de mettre en valeur les contours de cet espace sensible, mouvant, fait de force et de fragilité.